Quelques éléments théoriques
Plus qu'un simple réaménagement de l'espace, la classe flexible est une véritable pensée pédagogique qui permet de s'adapter aux enfants et aux activités en cours. L'enseignant doit y changer sa posture pour devenir un observateur accompagnant et plus un maître du savoir, il doit apprendre à laisser beaucoup plus de liberté aux enfants qui ont l'occasion de faire des choix, de devenir acteurs de leurs apprentissages.
Pour cela, trois approches prioritaires : énormément de différenciation, de la bienveillance envers les autres mais aussi soi-même et un respect du matériel.
En plus de ce changement de posture, il y a en effet un réaménagement de la classe afin de donner aux enfants l'opportunité de choisir la position de travail optimal pour eux selon l'activité en cours (et de bouger, ce dont la nouvelle génération a souvent besoin). Au départ, un enseignant peut commencer par aménager seulement une partie de son local et garder une zone plus traditionnelle. On parle alors de classe semi-flexible.

Une classe flexible a énormément d'avantages, elle
- contre la sédentarité qui s'installe de plus en plus dans les familles avec des jeunes qui restent devant la télévision ou l'ordinateur tout le week-end.
- améliore la posture grâce aux nouvelles assises que les enfants vont devoir apprendre à utiliser.
- améliore la collaboration grâce aux îlots.
- s'adapte aux élèves.
- améliore le climat de classe et les relations entre les élèves qui changent beaucoup plus de voisins.
- améliore l'autonomie.
- développe la confiance des enfants entre-eux, en eux et avec l'enseignant.
- améliore le rendement des enfants grâce à un meilleur brassage et une richesse des activités proposées en plan de travail.

En terme d'assises, il faut garder en tête que les enfants doivent former des angles de nonante degrés avec leur corps et ne peuvent pas rester des heures dans une même position.
On peut leur proposer différents types d'assises
- Les assises calmantes qui permettent peu de mouvements et donc un calme et une attention soutenue sur la tâche à réaliser : petits canapés, coussins, poufs, tapis épais, Ztools...
- Les assises stimulantes qui éveillent le système nerveux via le mouvement : chaises de bureaux à roulettes, ballons, vélos bureaux, tabourets oscillants, assises hautes, galettes avec picots, œufs...

D'autres aménagements peuvent être réalisés en classe : rangements clairs et facilement accessibles, cloisons flexibles, fidget toys...
Bien sûr, comme le but principal de cette pédagogie est le bien-être et l'épanouissement des enfants, il ne faut pas tomber dans un travers de classe esthétique sans apport pédagogique, ou d'aménagements qui nous plaisent mais ne rencontrent pas l'adhésion des enfants. Il est donc utile de leur faire régulièrement évaluer les différents changements mis en place afin de pouvoir les adapter au mieux.
Il faut aussi poser des règles, un cadre qui doit être respecté. Les points suivants sont importants
- L'enfant doit changer d'assise s'il sent que la place ne fonctionne pas pour lui, mais il ne doit pas changer trop souvent non plus.
- Les assises doivent être bien utilisées, les postures respectées.
- Le matériel doit être respecté et rangé à la fin des activités.
Quelques conseils
- Commencer par des aménagements sans matériel : liberté de mouvement, mise en place d'un plan de travail, changement de posture enseignante.
- Accepter plus de bruit que dans une classe traditionnelle.
- Penser à la récupération en brocantes, sur des groupes, dans la famille...
- Bien faire de la place en classe afin de permettre la circulation libre, sortir les cartables, ranger le matériel de la journée dans des bacs, proposer du matériel commun à la classe...
- Accepter de ne pas avoir de bureau fixe.
En première primaire
La classe flexible en tant que réaménagement de l'espace n'est pas quelque chose de pratique à mettre en place lors d'un stage. Elle nécessite en effet un matériel important et parfois financièrement lourd. Cependant, il est tout à fait possible de commencer à prôner une pédagogie flexible sans que les enfants aient le choix de leur assise.
Pendant mon stage en première primaire, ma maître de stage était très sceptique quant à l'éventualité de laisser les enfants se déplacer librement ou choisir des activités. J'ai quand même insisté sur la mise en place d'un plan de travail par semaine mais je n'ai pas réussi à obtenir plus.
Je parle plus en détail du plan de travail dans la rubrique qui lui est consacrée mais les enfants étaient ravis, ils ont adoré les ateliers, ont fini par penser à colorier les cases de leur feuille afin de me laisser une trace de leur avancement et étaient tristes de ne pas continuer à travailler comme cela.



Lors du stage contrat
Ma classe de stage contrat était déjà en partie flexible au début du stage. Les enfants y étaient autorisés à boire quand ils en avaient besoin, à se déplacer librement pour aller aux toilettes, chercher un mouchoir ou piocher dans le matériel commun de la classe. Des assises flexibles étaient aussi disponibles : un ballon, des galettes avec picots, deux poufs, un petit canapé dépliable en lit et des tabourets oscillants. Cependant, ma maître de stage avait restreint leur utilisation, seuls certains enfants avaient le droit de s'assoir sur un tabouret et quelques autres ajoutaient une galette à leur chaise. Lorsque j'ai demandé si je pouvais permettre aux enfants d'utiliser les assises de leur choix, la réponse a été non, apparemment à cause d'une mauvaise expérience passée.
Trouvant ça dommage de laisser toutes ces belles assises dans un coin, j'ai décidé (notamment grâce aux conseils de Véronique), de proposer ces assises aux enfants la dernière semaine de stage, pendant laquelle j'assumais seule ma classe (ce qui m'a légèrement bloquée dans la circulation demandée par ce nouveau stage) pour cause de maladie de ma maître de stage. Au milieu de la première journée, un de mes élèves qui avait choisi le ballon tombe en arrière (heureusement plus de peur que de mal). Cela m'a fait prendre conscience qu'ils ne maîtrisaient pas ces assises, donc j'ai décidé de leur expliquer comment bien s'assoir sur chacune d'elle pour éviter d'ultérieurs accidents.
À partir de ce moment-là, plus de soucis et j'ai noté une nette amélioration de la concentration de certains enfants, dys ou TDA/H diagnostiqués. Je trouve que ma classe était parfaite pour cette expérimentation à cause de la présence de multiples troubles des apprentissages et je suis contente que ma maître de stage aie été forcée de s'absenter (sans me réjouir de sa maladie bien sûr) une semaine, je ne pense pas que j'aurais osé insister en sa présence, ce qui m'aurait privée une expérience précieuse pour mon futur en tant qu'institutrice.
En ce qui concerne le choix des activités prôné en classe flexible, elle m'a autorisée à mettre en place un plan de travail, mais sans grande diversité dans les sujets. J'étais cantonnée à deux sujets par semaine (sauf la dernière semaine) parce qu'elle voulait que j'exerce uniquement les sujets vus cette semaine-là et que je passe rapidement à l'évaluation. Sur deux semaines, les enfants découvraient donc un concept, s'exerçaient intensément puis étaient évalués et je ne devais plus travailler dessus.
Je pense devoir cette rigidité à la peur organisationnelle induite par le stage contrat (ma maître de stage avait calculé à la période près le nombre d'heures que je "devais" passer dans sa classe) mais je peux au moins dire que je ne compte pas fonctionner comme cela dans le futur, je pense que les apprentissages doivent se construire tout au long de l'année, et que faire cinq périodes sur l'inférence (par exemple), l'évaluer puis l'oublier n'est pas une stratégie efficace : les enfants saturent puis laissent la compétence se flétrir.




Dans le spécialisé
Paradoxalement, c'est dans la classe qui s'y prêtait le plus que j'ai observé le moins de flexible : tous les enfants étaient assis sur des chaises et autour de la même table pour travailler, ils ne pouvaient pas aller se laver les mains, se moucher, boire, aller aux toilettes... sans demander. Au départ j'ai pensé que cela pouvait être lié aux profils des enfants, qu'il était plus facile de les cadrer énormément à cause du type majoritairement 3 de la classe mais justement, facilité sous-entend pas préférable et, si la classe était en effet compliquée à prendre en main, je pense qu'il était tout à fait possible d'y intégrer une part de flexibilité. Le seul moment un peu plus flexible venait des ateliers autonomes du matin : les enfants avaient le choix de l'activité mais de nouveau, ne pouvaient pas changer librement et devaient attendre que ma maître de stage passe auprès d'eux pour valider leur travail, ce qui créait de longues périodes d'attente pour certains. Un gros travail serait nécessaire à la flexibilisation de cette classe, mais je pense que ça pourrait être profitable aux enfants et j'ai noté quelques tentatives de ma maître de stage au fur et à mesure des semaines ainsi qu'une plus grande liberté dans mes modalités d'organisation.